Pendant des années, mon univers, c'était la logique pure. Les algorithmes, les bases de données, les interfaces... J'ai passé des nuits dans des entrepôts à optimiser des systèmes pour que chaque colis arrive à bon port, pour que chaque processus soit le plus fluide possible. Mon job, c'était de faire en sorte que la machine tourne.
Ce déclic, je l'ai eu de manière assez brutale sur un projet. J'avais développé un logiciel de gestion complet pour une entreprise. Sur le papier, il cochait toutes les cases. Le hic, c'est que pour des raisons budgétaires, l'accompagnement au changement a été mis de côté. Le logiciel, techniquement irréprochable, a été livré. Et puis... pas grand-chose. Il est resté sous-exploité. Pire, j'ai appris que les équipes revenaient petit à petit à leurs bons vieux fichiers Excel pour leur suivi.
La machine était parfaite, mais les humains n'avaient pas été accompagnés pour la piloter. L'outil n'avait pas trouvé sa place dans leur quotidien. Ce n'était pas un échec technique, mais un échec humain. Un investissement devenu une charge, une promesse d'efficacité transformée en source de frustration.
Cette force d'inertie, plus puissante que la meilleure des stratégies, c'est la culture d'entreprise.
On en parle souvent dans les transformations, mais ça reste un concept un peu flou. Alors, concrètement, c'est quoi ? C'est l'ADN de votre boîte. C'est ce qui reste quand on enlève les murs et les ordinateurs.
Pour faire simple, c'est un mélange de plusieurs ingrédients :
Un nouvel outil n'est jamais neutre. Il vient bousculer ces équilibres. Il peut remettre en cause des pratiques bien ancrées, rendre une hiérarchie plus transparente, ou simplement ne pas "coller" à l'histoire que l'entreprise se raconte.
Quand on lance une transformation digitale, on ne fait pas qu'installer un nouvel outil. On réalise une greffe. Et si le nouvel organe (le logiciel) n'est pas compatible avec le corps (la culture), c'est le rejet assuré.
Mon expérience sur le terrain m'a appris une chose : livrer un outil ne suffit pas. Mon rôle n'est pas seulement de concevoir une solution, mais de m'assurer qu'elle sera adoptée. C'est d'être le traducteur entre la logique de la machine et la réalité humaine de l'entreprise. C'est de passer du temps à observer et à écouter avant de construire, pour co-créer une solution qui respecte et enrichit la culture existante, plutôt que de la brusquer.
Il n'y a pas de "bonne" ou de "mauvaise" culture. Il y a la vôtre. Et la comprendre, c'est la première étape, la plus cruciale, de toute transformation réussie.
