Il y a quelque temps, j'assistais à une formation passionnante sur la stratégie de transformation à l'École Polytechnique. Entre les concepts, les études de cas et les ateliers, une idée simple, presque une évidence, a été formulée par l'intervenant : « Une entreprise qui est là, qui a survécu et qui est encore en activité, a forcément eu une vision qui a marché. »
Cette idée est simple, mais profonde. On passe notre temps à chercher la "vision", cette grande phrase inspirante qui doit guider nos actions. On la voit comme une quête, un objectif à atteindre. Et si, en réalité, elle était déjà là, sous nos yeux ? Si le succès de votre entreprise, même modeste, reposait déjà sur une vision fondatrice qui a fait ses preuves ?
La vraie question n'est donc pas "Quelle est ma vision ?", mais plutôt "La vision qui m'a amené jusqu'ici est-elle toujours la bonne pour demain ?".
Oublions un instant les posters accrochés dans les salles de réunion. La vision, ce n'est pas la mission (ce que vous faites au quotidien) ni la stratégie (comment vous le faites). La vision, c'est votre pourquoi, votre projection dans le futur, l'ambition qui doit animer chaque décision. C'est votre étoile du Nord.
Toute entreprise performante, à un moment de son histoire, a été portée par une vision claire. Sans elle, elle n'aurait pas pu naviguer dans les eaux troubles du marché. Le problème, c'est que le monde change. Et une vision, aussi brillante soit-elle, peut avoir besoin d'être transformée.
L'exemple de Kodak est un classique, mais il est terriblement parlant. Ils ont inventé l'appareil photo numérique. L'innovation était là, la technologie aussi. Mais la vision du leader est restée figée sur le modèle de la pellicule argentique. Résultat : l'innovation n'a pas pu être transformée en une nouvelle trajectoire pour l'entreprise. Ils avaient une carte, mais ils ont ignoré la boussole.
Dans l'accompagnement des dirigeants, je vois souvent deux réflexes qui empêchent d'aborder sereinement la transformation.
Une fois la vision (re)définie, il faut tracer la route. C'est la trajectoire. C'est le "comment" on va atteindre notre étoile du Nord. Et là encore, la manière de faire est cruciale. Une étude de McKinsey rappelée pendant le cours montrait que la qualité du processus de décision est 6 fois plus importante que l'analyse elle-même pour la réussite d'un projet.
Cela signifie que la façon dont on construit la trajectoire, en impliquant les équipes (approche bottom-up), en testant, en s'adaptant (l'agilité n'est jamais loin), est plus déterminante que d'avoir le plan parfait sur le papier. Il s'agit de mettre l'organisation en mouvement, de créer une dynamique collective.
La transformation digitale peut faire peur. Elle semble complexe, coûteuse, et on ne sait pas par où commencer. Mais peut-être que la première étape n'est pas de parler d'IA ou de no-code.
Peut-être que la première étape, c'est simplement de se poser, seul ou avec ses équipes, et de regarder la boussole.
Prendre ce temps de recul, c'est déjà commencer à transformer. C'est s'assurer que chaque décision, chaque investissement, chaque projet nous rapproche de notre étoile du Nord, et pas d'un mirage.